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Journaliste presse écrite, web et radio. Je vois, je sens, j'écoute, je raconte, je divague.

Adieu petit sac de cailloux

Adieu petit sac de cailloux

C'est demain. Demain, un chirurgien va faire ce que je n'arrive pas à réaliser seule : me débarrasser de mon petit sac de cailloux.

Il y a des cailloux nommés colère. Ceux-là sont les plus nombreux. Et les plus douloureux.

Il y a des cailloux nommés déception. Ceux-là sont les plus résistants.

Il y a des cailloux nommés tristesse. Ceux-là se sont déjà dissous d'eux-mêmes.

Il y a des cailloux nommés abandon. Ceux-là sont les plus vieux.

Demain, il y aura un espace vacant dans mon ventre, juste sous mon sein droit. Un petit espace de vide. Un petit espace de rien du tout. Cela fait drôle de se dire qu'on va avoir un peu de rien du tout dans le ventre. Vais-je être plus légère ? Comment me sentirais-je sans ce son si familier des petits cailloux qui s'entrechoquent ? Serais-je capable de ne pas les remplacer par d'autres cailloux, comme ça, juste par habitude ?

Les petits cailloux, on les ramassent tout au long de sa vie. Et plus on avance, plus ils sont lourds, plus ils sont aiguisés, plus ils blessent. Moi j'ai du mal à faire comme le petit Poucet, à les semer au fur et à mesure. Je les collectionne. Je les fais rouler entre mes doigts. Je les égrène. Ils sont blessants, mais au moins, je n'ai pas les mains vides. Là, sous mon sein droit, ils pèsent dix tonnes, mais ils me remplissent de quelque chose.

Sauf que ça y est, je dois m'en séparer. C'est bien, il paraît. On vit très bien sans, me dit-on. Sans doute, mais moi j'ai vécu avec toute ma vie. Va falloir que je m'habitue.

A la place, je voudrais planter une petite graine. Une petite graine de coquelicot. Bien rouge, tout fier au milieu des herbes folles. Et que personne, jamais, ne tentera de cueillir. Ce sera ma fleur à moi. Je l'arroserai. Je lui donnerai du soleil. Je la protègerai des parasites, des tempêtes et du froid.

Une petite fleur sauvage et fière, rien qu'à moi. J'ai jamais rien gardé dans mon jardin secret. Les fleurs qui y poussent je les coupe et je les balance par brassées entières, pour que l'on s'extasie de leurs couleurs, de leurs effluves. Parfois, sans le faire exprès, je balance quelques cailloux au milieu des fleurs. Souvent, ce sont ceux-là même à qui je veux offrir mes fleurs qui se prennent mes petits cailloux dans la figure.

Ensuite je regarde ces tiges coupés, cette désolation... Et je me dis que les fleurs, parfois, il faut savoir les chérir sans les offrir. Sinon, on se retrouve tout vide, avec rien que des petits cailloux dans son jardin. Cette fleur-là, je la garderai pour moi seule.

Le coquelicot, dans le langage des fleurs, il parait que c'est la consolation. J'espère qu'il poussera bien droit, à la place de mon petit sac de cailloux.

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