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Qui Suis-Je?

  • : L'Art du Temps
  • : Journaliste presse écrite, web et radio. Je vois, je sens, j'écoute, je raconte, je divague.
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Articles RÉCents

11 mai 2016 3 11 /05 /mai /2016 09:23
Plus belle la vie à la Timone, Ep4

J’ai une nouvelle copine. Elle est super chouette, elle s’appelle Ginette. Elle est née en février 1930. Ce qui lui fait donc 86 ans. Ginette, c’est ma nouvelle Madame 26 porte. Elle est un peu moins discrète que la précédente (elle, elle ronfle et elle pète en dormant), mais elle est sacrément rigolote.

Avec Ginette, on se prend des barres. Surtout quand l’infirmier de la nuit, ce crétin de Marc, lui fait un sketch à 4h du matin parce qu’il n’est pas satisfait de la prescription des médecins. Moi je faisais semblant de dormir, et je l’entendais lui, qui pestait, et elle, qui rigolait sous cape, dès qu’il avait le dos tourné. Elle se foutait de sa gueule, quoi.

Ginette est veuve depuis 30 ans, et elle me dit qu’elle ne comprend pas les petits vieux qui se plaignent de la solitude et de l’ennui. Après la mort de son mari, elle a quitté Marseille pour s’installer dans sa « maisonnette » dans la Drôme. L’hiver, dans son hameau ils sont six en tout, et avec sa copine Simone, qui vit dans la maison au bout de son champ, elles n’ont pas le temps de s’emmerder.

« Moi, tant que j’ai des bouquins et mes mots croisés, je ne vois pas le temps passer », raconte-t-elle, avec son accent de vraie Corse. « Et puis il y a les oiseaux. On apprend un tas de trucs en regardant les oiseaux ».

Ginette n’a pas eu d’enfant, peuchère, elle ne pouvait pas. Et puis son mari est parti avant d’avoir le temps de prendre sa retraite. Mais elle a plein de petits-neveux, d’arrière-petits-neveux et même d’arrière-arrière petits neveux ! Et elle est leur marraine, à tous ! L’un d’entre eux est venu hier lui apporter ses petites affaires de toilette. Il était au petit soin, j’étais contente de voir qu’elle était bien entourée.

Ce matin, elle s’est levée avec une vilaine douleur dans l’épaule. Elle ne peut pas du tout bouger, elle a cassé son col du fémur et est complètement alitée. Alors je lui ai montré comment faire une torsion comme au yoga, pour soulager le muscle de son épaule endolorie. Et ça a marché ! J’étais drôlement contente d’avoir pu lui être utile.

J’espère que Ginette remarchera un jour, pour reprendre ses voyages. Chaque année, elle prend le car avec Simone pour voir du pays. L’année dernière, elles sont allées dans le pays basque espagnol. Elle a beaucoup aimé San Sebastian. L’année d’avant, elle était allée en Bretagne et de là, elle a visité le Mont Saint Michel. Quand elle m’a dit que le Mont Saint Michel était breton, j’ai bondi de mon lit, et en bonne normande, j’ai corrigé l’erreur. Elle m’a promis qu’elle ne se tromperait plus. Maintenant, elle aimerait aller en baie de Somme. Moi franchement, j’aimerais bien l’emmener voir les phoques et le Tréport. Avec Ginette et Marcel, sur la plage, on serait les rois !

Mais hier, le médecin est venue lui annoncer qu’elle avait un nodule dans le sein et un kyste sur le foie. Ginette a dit « hé bien qu’ils y restent ! A mon âge, on ne m’enlève plus rien. Ils partiront avec moi, et le bon dieu m’accueillera comme je suis ». Et puis elle a rigolé. Putain Ginette, t’as trop raison. Ginette, elle m’a appris un truc que je savais en théorie, que j’avais lu dans Psychologies Magazine, mais qui me semblait quand même pas facile à mettre en oeuvre au quotidien. Ginette, elle accepte ce qui lui arrive. Le bébé qui n’est jamais venu, le mari parti trop vite, la solitude dans les montagnes, et aujourd’hui les saloperies cancéreuses qui veulent lui faire la peau.

Ginette, son arme c’est son rire. C’était déjà la mienne un peu, je crois. Voir Ginette, ça m’encourage à l’adopter totalement, ce bon vieux rire. C’est le meilleur des traitements.

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10 mai 2016 2 10 /05 /mai /2016 13:25
Plus belle la vie à la Timone, Ep3

Ce midi, enfin, j’ai eu le droit à un premier repas. Nettement moins gargantuesque que le dernier repas. Cela s’appelle : le potage. Servi dans un récipient en plastique d’une couleur que nous qualifierons sobrement de « saumon », le potage est un liquide ni vraiment épais comme une bonne soupe, ni vraiment liquide comme un bouillon. Sa couleur, d’un indéfinissable marron clair ne révèle rien des légumes qui ont pu être sacrifié pour sa conception.

On me précise qu’il n’est pas salé, je lâche donc deux petits sachets de sel, que j’agrémente d’un sachet de poivre, juste par mesure de précaution. Après avoir soigneusement touillé le liquide sans odeur, je me lance, et plonge ma cuillère en plastique dans la mixture dûment assaisonnée (l’assaisonnement, c’est essentiel, ai-je appris dans Top Chef).

En bouche, le « potage » ne me révèlera qu’une seule saveur reconnaissable : celle de la fane. De carotte, ou de navet, je ne saurai dire. Voilà, ça a le goût d’une queue de carotte. Et malgré le sel et le poivre, c’est infect. J’ai beau me motiver (après tout, c’est la première chose comestible que je vois depuis 3 jours), rien n’y fait. C’est juste pas mangeable. J’abandonne le « potage » de la Timone pour me rabattre, piteuse, sur mon yaourt et ma compote.

Ils sont malins ces docteurs quand même. C’est une sacrée bonne idée ce « potage » pour te prolonger ton jeûne sans en avoir l’air. Aujourd’hui encore, l’hôpital public de la Timone m’a révélé un de ses secrets. Je suis coite. (et j’ai faim).

Edit : En revenant de mon scanner, j'ai fait un détour par le Relais H et après m'être assuré qu'aucun personnel soignant de mon service trainait dans les couloirs, j'ai acheté un petit paquet de biscuits "petit dej aux pépites de chocolat", que je grignote en loucedé. Merci de ne pas me dénoncer.

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10 mai 2016 2 10 /05 /mai /2016 05:22
Plus Belle la Vie à la Timone, Ep2

« La 26 fenêtre, elle mange pas ! ». La 26 fenêtre, c’est moi. 26 parce que j’occupe la chambre n°826, au 8e étage. Et fenêtre, parce que mon lit est près de la fenêtre. Ma coloc, 26 porte, est partie vers 13h.

Dans le couloir, j’entends le va et vient des aides soignants qui distribuent les plateaux repas. « t’as donné son médicament à Monsieur 27 porte ? ». On est des numéros, certes, mais ils disent monsieur quand même. C’est ça le respect. Ce soir, j’aurais une nouvelle Madame 26 porte pour coloc. J’espère qu’elle sera aussi discrète que la précédente.

Donc, je ne mange pas. Pas que j’en n’ai pas envie, ah non, non, non. Je n’ai pas le droit. C’est mon traitement ici, la diète. Le jeûne total. Quand je bossais pour Psychologies Magazine, une semaine de jeûne, j’imaginais plutôt la faire en marchant dans la montagne, avec un guide qui nous apprend la méditation et tout ça. Pas dans une chambre d’hôpital avec le bras raccordé à une perf qui délivre au compte goutte tous les nutriments nécessaires pour ne pas se jeter sur le premier burger qui passe (cela dit, j’ai été bien attentive, et j’en ai pas vu passer un seul, de burger. Des cafards, en revanche, si. Le brancardier ne m’avait pas menti hier. Mais j’ai pas encore faim à ce point-là).

Depuis 36 heures que je suis là, j’ai juste eu ça comme traitement. Le jeûne. Pour le reste… L’aide soignante du soir (à qui j’ai quand même réussi à soutirer un p’tit calmant pour cette nuit, c’est une bonne âme) m’a expliqué qu’ici, à la Timone « personne ne sait jamais quand auront lieu les examens. C’est pénible pour tout le monde, mais c’est comme ça », m’a t-elle dit, toujours aussi désolée et blasée qu’hier soir.

Demain, Inch Allah, j’aurais donc une écho. Et peut être même un scanner (mais faut pas trop rêver quand même, si j’ai bien compris). Ce serait cool parce que moi, je ne sais toujours pas trop pourquoi je suis là, et je ne cracherai pas sur une ou deux explications.

En attendant, je mate des épisodes de Grey’s Anatomy. Et j’essaye de deviner si, comme dans Grey’s, il y a ici un placard avec du matos médical dans lequel le personnel se retrouve pour baiser entre deux opération de 12h à cœur ouvert. Et vu comme l’aide-soignant de l’après midi est yummy, j’espère que c’est le cas. Demain, promis, j’irai voir et je vous dis.

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9 mai 2016 1 09 /05 /mai /2016 08:24
Plus belle la vie à la Timone, Ep1

Mon séjour marseillais n’avait pas trop mal commencé. Certes, il ne faisait pas beau, et j’avais cette douleur lancinante dans le bide mais bon, j’étais à Marseille, j’allais emmener mon p’tit loup voir la mer, et puis dimanche soir j’irai boire des coups avec ma copine Chloé.

Enfin boire des coups… avec le mal d’estomac qui ne me lâchait pas depuis trois jours, j’avais déjà décidé d’y aller mollo sur le mojito. Et là, ellipse brutale, légère accélération de l’image, me voilà aux Urgences de l’hôpital de la Timone, à Marseille. Me demandez pas comment j’ai atterri là, j’ai rien compris.

Donc, les urgences de ce fleuron de l’hôpital public Marseillais. Netflix, ils se sont planté. C’est là qu’il fallait venir tourner leur série évènement. Tu foutais Gégé Depardieu sur un brancard, la quéquette à l’air en plein Délirium Tremens (DT, elles disent les infirmières), Magimel camé dans un coin qui beugle pour qu’on lui détache les mains, et tu l’avais ton chef-d’œuvre !

Bon les pistolets à pipi et les poches à caca, c’est sur que c’est moins sexy que la grosse berline de Benoit en virée sur le vieux port. Mais au moins ici, les dialogues n’ont pas été écrit pas les scénaristes de Plus Belle la Vie. « J’ai envie de pisseeeeeeer !!!!! Quelqu’un va venir me détacher bordel de merde ça fait des heures que je suis là il est où le médecin je vais lui peter la gueule infirmièèèèèèère je vais me pisser dessus y a quelqu’un ??? » Tout ça avé l’accent, s’il vous plait.

Après près de six heures d’attente, me voilà donc dans le service du bon docteur Bernard (il est où celui-là ?), au huitième étage, chambre 26. Ma nouvelle coloc a l’air bien sympa. Elle est toute contente Micheline, on lui a dit qu’elle sortait demain matin, alors elle va dormir sur ses deux oreilles.

Moi, en revanche, c’est moins sûr. Déjà j’ai pas de couverture : « On n’en a plus. Bienvenue à la Timone », me lâche, mi-ennuyée mi-blasée, l’infirmière de nuit. Ah oui, et les brancardiers m’ont prévenue, ici, il y a des cafards. Et des rats aussi il paraît. Enfin, un peu moins que dans l’autre service au bout du couloir. Ouf, je suis rassurée. Voilà, c’est parti pour une semaine de Plus Belle la Vie à la Timone. Avé l’accent.

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